Le feuillu philosophe et les habitants dispersés

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Article rédigé par Séverine Faure.

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Un arbre, un jour… – Karine Lambert

Dans son dernier roman, Un arbre, un jour… Karine Lambert nous emmène à la rencontre des âmes sensibles d’un petit village du Sud. Au centre de la place, un platane centenaire,  trône majestueusement. Les habitants ne le remarquent même plus, il agrémente leur vie quotidienne depuis toujours. Quand un arrêté municipal va ordonner d’abattre le vieil arbre, de nombreuses failles vont apparaître dans la quiétude de leurs existences. Cette décision farfelue va bousculer la routine des villageois qui sortiront de cette expérience collective grandis et plus solidaires que jamais.

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Au centre de la place, un platane centenaire,  trône majestueusement.

Karine Lambert, photographe et romancière belge, va s’emparer de cette situation pour mettre en scène 7 personnages : comme il y a 7 jours dans une semaine, 7 notes dans une gamme musicale ou encore 7 merveilles du monde répertoriées dans l’antiquité.

Les habitants se côtoient tous les jours sans se voir

L’auteure dévoile une galerie de portraits aussi fragiles qu’attendrissants :

François Lebrun, l’employé communal a bien du mal à tutoyer le maire du village qui est pourtant son ami d’enfance.

Adeline et Violette Bonnafay, les deux sœurs meurtries du décès de leurs fiancés partis à la guerre ont finalement fait leur vie ensemble.

Suzanne Fabre, la tenancière du café, a choisi de reprendre ce commerce où elle a grandi, sans se douter que son mari la lâcherait pour cause d’accident de moto.

Fanny Vidal met en lumière les beautés de la gastronomie dans des clichés très esthétiques, sans pouvoir sortir de l’ombre sentimentalement.

Raphaël Costes n’a jamais su choisir, sauf quand il s’agit des caries d’un patient. Le dentiste indécis consulte le psychologue blasé, installé sur la place du village.

Manu est la pièce rapportée, il est nomade. Ses volutes de fumée enveloppent l’arbre et le doux parfum de la marijuana lui procure des frissons, faisant vibrer ses feuilles naissantes.

Clément Pujol est un gamin utopiste et espiègle : il ne laissera pas le maire détruire l’arbre qu’il considère à la fois comme un compagnon, un ange-gardien et un symbole de l’humanité.

L’arbre les regarde vivre, ressent leurs émotions et aimerait pouvoir les aider à soigner leurs blessures secrètes. Quand un avis d’abattage est accroché sur son tronc, il n’a plus qu’à espérer qu’ils vont se réveiller pour s’unir et empêcher sa condamnation.

Tous unis pour la même cause

Clément, le jeune idéaliste, va lancer l’offensive contre l’élu municipal pour faire capoter son plan. Et progressivement, le refus de voir s’effondrer une légende locale va faire son chemin dans l’esprit de tous. En échangeant leurs impressions, ils vont découvrir que chacun a une raison intime de défendre cette cause. Certains vont retrouver la fraîcheur de leur jeunesse, quand d’autres sentiront enfin souffler un vent de liberté.

Karine Lambert s’inspire de l’absurdité de la situation pour emmener ses personnages dans la quête d’une vie meilleure, où tous vont pouvoir coexister, en toute bienveillance. Ce qui fait la force de son récit, ce sont les confidences quotidiennes de l’arbre, véritable penseur et sociologue rompu. Il faut dire qu’il a vu passer plusieurs générations, lui qui doit se résigner à rester enraciné sur cette place qu’il aime tant. Il se surprend parfois à rêver que l’une de ses boutures pourrait un jour rejoindre le bord de mer.

Sous l’ombre d’un généreux bienfaiteur

Le platane a vécu la tristesse des hommes pendant les conflits et l’allégresse des femmes quand ils prenaient fin, enfin pas toutes : les sœurs Bonnafay y ont laissé l’espoir de fonder une famille. Il a compris et pardonné leur jalousie envers Suzanne Fabre qui avait réussi ce qu’elles ne pourraient jamais obtenir : un mari aimant. Il sait bien que François Lebrun est un homme rongé par sa timidité et il a accueilli avec bonheur son oiseau des îles rencontré sur Internet. Il a surveillé les allées et venues de Raphaël Costes chez son psychiatre, jusqu’à pouvoir enfin prendre une décision : se mobiliser pour empêcher son abattage. Il a passé des soirées à contempler l’intérieur douillet de Fanny Vidal et l’a accompagnée jusqu’à la meilleure décision : il ne l’aimait pas cet Aurélien. Il a adoré le sentiment de liberté qui se dégage de Manu, et dès leur première rencontre, il a compris que le voyageur deviendrait un ami. Il se trémousse de plaisir quand le petit Clément Pujol grimpe sur ses branches et il est fier d’avoir été le témoin unique de son premier baiser.

Karine Lambert entre au cœur de cette communauté avec beaucoup de tendresse et distribue à chacun ses petits défauts. Et au fil de l’histoire, elle aide ses personnages à développer des qualités humaines qui vont les transformer à jamais.

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2 thoughts on “Le feuillu philosophe et les habitants dispersés

  1. Très joli article qui donne forcément envie de lire ce livre où l’on souhaite évidemment un “Happy End“ ! Merci Séverine…

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